MICHEL JOLIVET (1895-1985), CHIMISTE ET CÉRAMISTE DE LA MAURICIE

Date 09/01/2019 19:30:00 | Sujet : Articles

Jean-Pierre Dion

Les collectionneurs de céramique du Québec mettent la main, en de rares occasions, sur des assiettes en céramique signées Michel Jolivet, Shawinigan, avec la marque d’un sapin incisée dans la pâte. Un membre de l’ACCQ apportait une de ces assiettes à la rencontre du 18 novembre 2018. Un autre membre, une tasse de Jolivet. L’ouvrage de Lisette Gagné, p. 41, affiche une liste des différentes marques associées à Jolivet.

La contribution de Jolivet comme professeur de sciences à l’École technique de Shawinigan fut appréciée : ses cours de sciences firent la réputation de l’École technique; ils donnaient accès à une deuxième année d’université, relate José Caden dans l’Écho du St-Maurice (18 mars 1964, p. 3). On connait cependant assez peu la carrière de céramiste de Michel Jolivet, même si les journaux d’époque, comme Le Nouvelliste, L’Écho du St-Maurice et The Gazette en font régulièrement écho. Nous tirons de l’oubli quelques notes à son sujet, en espérant que cela suscite d’autres interventions sur l’enseignement et la riche production de ce céramiste méconnu.

Michel Jolivet est originaire de Versois, canton de Genève, en Suisse. Il y est né en 1895 d’un père Français et d’une mère Suissesse. Il obtiendra un baccalauréat en sciences à l’Université de Genève. Il quitte l’Europe en 1924, à l’âge de 29 ans, et s’installe au Canada. Chimiste, il devient professeur de science à l’École technique de Shawinigan dès 1926, puis chef du département de chimie et physique. C’est auprès d’Henri Miège qu’il fait l’apprentissage de la céramique en 1930, tout en lui apportant, comme chimiste, ses lumières pour la création des glaçures. Les deux feront une exposition de céramique à Québec en 1930, possiblement la toute première exposition de céramique d’atelier présentée au Québec. Jolivet expose ses œuvres au Syndicat d’initiative domestique de Trois-Rivières en 1931. Il utilise alors de l’argile locale (Shawinigan) cuisant rouge. Plus tard, il utilisera de l’argile importée des États-Unis qui devient blanche à la cuisson.

On sait que M. Jolivet sera associé à l’École technique de Shawinigan pendant 38 ans, prenant officiellement sa retraite en 1964. En 1937, cette institution fêtait ses 25 ans d’existence en présence de Maurice Duplessis et de nombreux invités et membres du personnel, dont Messieurs Crutchfield, Jolivet et Lockwell (The Gazette, Dec 16, 1937). En 1949, Jolivet ouvre un atelier-école en céramique à Shawinigan. Combien de céramistes de la région, dira l’Écho du St-Maurice du 18 mars 1964, qui ont signé des œuvres valables, doivent leur initiation au Bernard Palissy de Shawinigan, qui ouvrit en 1949 un atelier-école de céramique, où l’on se disputait les places.

Jolivet confie au journal Le Nouvelliste que Paul Gouin, propriétaire de la boutique Beau Manoir, lui achète presque toutes ses œuvres. Il en vend d’autres à la maison Morgan.
Jolivet participe à une importante exposition de groupe en 1951. En novembre de cette année, la Guilde canadienne des métiers d’arts tient au 2025 rue Peel, à Montréal, une exposition de 40 artistes canadiens, sous la direction d’Elizabeth Perry. Michel Jolivet y présente plusieurs grandes assiettes en céramique. Il se mérite un prix pour son assiette à glaçure grise décorée en rouge d’un chevreuil (The Gazette, Nov 20, 1951). Une photo de la Guide prise à cette exposition nous permet de connaître d’autres assiettes de M. Jolivet (voir photo de la Guilde, rangée du haut). Parmi les autres gagnants de prix à cette exposition (The Gazette, Nov 20, 1951), il y a Eileen Hazell (l’assiette au motif de feuilles et la jarre avec couvercle, à gauche sur la même photo), Nancy Dawes (une assiette à poisson), Eileen Reid (assiette de mariage), Elizabeth Clark (cendrier), William Cunningham (cendrier) et Maria Huldskinsky (figurine).

En 1952, Jolivet expose ses céramiques à l’Art Gallery de Toronto et au Pacific National Exhibition à Vancouver. Une photo du journal Le Nouvelliste, prise à l’atelier de céramique de l’École Technique en 1955 fait voir Michel Jolivet devant quelques-unes de ses céramiques, alors qu’une autre photo montre les travaux de ses élèves (Le Nouvelliste, 26 mars 1955, p. 5 et 6). Il enseigne à cette période des cours du soir en céramique à une trentaine d’entre eux, utilisant un four Globar qu’il a construit lui-même. Dans la céramique, confie-t-il au même journal (ib., p. 6), la forme et les dessins sont primordiaux : ce sont eux qui donnent une caractéristique à un potier. Quant aux dessins, je crois qu’ils ont avantage à se rapprocher de l’art primitif : simplification des lignes, symbolisme.

Lors de l’exposition de l’Institut de Technologie, en 1958, le professeur Michel Jolivet dispose dans le hall d’entrée une superbe vitrine des céramiques de ses élèves (voir photo de L’Écho du Saint-Maurice du 11 juin 1958, p. 9).
L’artiste Denise Landry-Aubin, originaire de Shawinigan, raconte avoir pris connaissance du batik après avoir découvert dans sa propre ville un artisan céramiste, Michel Jolivet, qui pratiquait aussi l’art du batik, C’est lui, dit-elle, qui m’a encouragé à venir étudier les Beaux-arts à Montréal (The Gazette, June 9, 1978). À sa sortie de l’École des Beaux-arts, elle se met au batik, faute d’avoir une presse pour imprimer ses gravures…

Michel Jolivet décède à Genève, Suisse, le 27 février 1985, à l’âge de 90 ans. Il laisse dans le deuil son épouse Noémie Bertrand de Shawinigan, son fils Vincent Jolivet de Seattle et 4 petits-enfants (The Gazette, March 2, 1985). Vincent Jolivet est docteur en administration des affaires de l’Université de Harvard et professeur à l’Université Washington de Seattle.

Références :

Le Nouvelliste, 26 mars 1955, p. 5 et p. 6; 21 mars 1964, p. 5

L’Écho du St-Maurice, 9 janvier 1957, p. 10; 11 juin 1958, p. 9; 18 mars 1964, p. 1 et p. 3.

The Gazette, 24 octobre 1930, p. 7; 31 octobre 1931, p. 9 ; 28 octobre 1932, p. 2; 16 décembre 1937, p. 21; 25 septembre 1945, p. 10; 20 novembre 1951, p. 14; 15 octobre 1953, p. 11; 9 juin 1978, p. 33; 2 mars 1985, p. 91.

Canadian Guild of Crafts, 1951, dossier C14.D2.225.1951

Gagné, Lisette, Répertoire sur l’héritage céramifère du 20e siècle au Québec. 2001, 270 p.




Photo 1 : Dossier C14.D2.225.1951, Guilde
canadienne des métiers d’arts, 1951. Photo fournie en 2011 par Diane Labelle,
alors directrice. Au verso, on a noté que M. Jolivet est de Grand-Mère et qu’il
fait usage, pour ses assiettes, d’argile locale.






Photo 2 : Le Nouvelliste, 26 mars 1955,
céramiques de M. Jolivet.







Photo3 : L’Écho du St-Maurice, 11 juin 1958, céramiques des élèves de Michel
Jolivet.








Photo 4 : L’Écho du St-Maurice, 18 mars 1964, Jolivet prend sa retraite.








Photo 5 : Assiette en terre rouge de Michel Jolivet, Shawinigan, coll J. B. Dion
et J.-P. Dion, photo J. B. Dion




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